21 avril 2021

Si Fribourg veut y croire, qu’il regarde les chiffres

 

Les Dragons sont menés 1-3 dans leur série de quart de finale face à GE Servette et sont dos au mur avant l’Acte V de ce mercredi soir. Pourtant, les statistiques racontent une histoire un peu différente.

Quiconque s’intéresse vraiment aux statistiques - et pas uniquement pour les décrédibiliser - sait pertinemment que c’est en play-off qu’elles sont le plus mises à rude épreuve. L’échantillon est faible et une régression vers la moyenne peut ne jamais avoir lieu, puisqu’il suffit de quatre ou cinq matches pour que la meilleure équipe sur la glace soit envoyée en vacances. Demandez aux Seelandais ce qu’ils en pensent, d’ailleurs.

La série entre FR Gottéron et GE Servette est, à ce titre, intéressante à analyser après quatre matches et à quelques heures de l’acte V. La donne, pour Fribourg, est simple. Il faut en gagner trois de suite sous peine de partir en vacances. A voir la difficulté avec laquelle les Dragons ont inquiété Daniel Manzato lundi lors de l’acte IV, il y a de quoi se dire que la saison fribourgeoise pourrait se terminer plus vite que prévu.

L’histoire de la National League ne regorge pas d’exemple de formations revenant de 1-3.

Pourtant, FR Gottéron ne doit, finalement «que» gagner une fois à l’extérieur et faire le job à domicile. Possible? En jetant un œil aux statistiques de ce début de série, la réponse est positive. Problème? Le temps pourrait manquer pour que la tendance s’inverse naturellement. On a trouvé trois points qui doivent donner espoir à Christian Dubé et ses hommes.

1. Le volume de shoots

Depuis le début de la série, FR Gottéron est la deuxième équipe à tirer le plus avec 37,75 tirs cadrés par match. Mieux, les Dragons sont les plus assidus depuis la zone devant le gardien. Avec 16 tirs cadrés par match du slot, l’équipe de la BCF Arena est la plus menaçante des huit formations présentes en play-off. GE Servette est loin avec 29,25 tirs cadrés dont 12,5 du slot.

A titre individuel, les deux premières lignes sont constamment dangereuses malgré leur maigre butin en terme de buts marqués. Ainsi David Desharnais possède un Corsi de 63% (source: Instat), tandis que Yannick Herren grimpe à 64%. Julien Sprunger (61%) et Viktor Stalberg (59%) ne sont pas en reste. Que veut dire cette statistique? Lorsque ces joueurs sont sur la glace, Fribourg décoche près des deux tiers des shoots en direction du but adverse. C’est un signe clair de la domination territoriale des Dragons. Hormis Mauro Jörg et Jordann Bougro, tous les Fribourgeois ont d’ailleurs un Corsi positif sur cette série.

Forcément l’évocation de ces chiffres pose une question évidente: Mais ces shoots sont-ils dangereux?


Source: NLiceData


La réponse est affirmative. Oui, les Dragons sont présents là où cela fait mal, même si l’impression visuelle n’a pas toujours été favorable – notamment lors de l’Acte IV.

2. La qualité des occasions de but

«Si on ne marque pas de buts, on ne va pas gagner»: lundi aux Vernets, Christian Dubé semblait n’avoir guère envie de parler lors des interviews. Ce constat de l’impuissance des Dragons, tout le monde l’a fait. Mais FR Gottéron aurait-il vraiment mérité mieux que ce zéro pointé aux Vernets? Possible, en effet. Plus largement, dans cette série, Fribourg s’est presque créé chaque soir les meilleures chances comme en attestent les expected goals (ou buts escomptés en français) calculés lors de cette série.

Expected goals, définition

Partons d’un principe simple. Chaque tir a, en moyenne, un pourcentage de chance de terminer sa course au fond du filet. Un joueur seul face à la cage vide aura en moyenne 100% de chance de marquer. Cela donne donc 1 but escompté (xG) pour son tir. Prenons le même joueur tentant sa chance depuis un angle impossible dans le coin de la patinoire avec un gardien. Il aura moins de 1% de chance de marquer. Cela se traduit par 0,01 xG.

Ces buts escomptés donnent ainsi une valeur moyenne à chaque tir en fonction de sa position sur la glace, de son type (slapshot, poignet, déviation, rebond, etc.) ou encore de la présence d’un défenseur ou non. Cette valeur est définie par l’historique des shoots semblables. Il ne s’agit, finalement, que d’une bête probabilité de marquer.

Si l’on additionne tous les xG des tirs parés par le gardiens lors d’un match, cela donne un nombre de buts «escomptés» qu’aurait encaissés un gardien moyen. Les bons gardiens ne capitulent évidemment pas autant.

Si l’on se plonge sur les données de l’acte I à l’acte IV, FR Gottéron aurait dû inscrire 11,6 buts, tandis que GE Servette n’aurait dû en mettre que 10,0 (source: Instat). Paradoxalement, ces derniers n’ont été plus dangereux que lors d’un seul match. Le premier qu’ils ont perdu. Le détail:



En clair, GE Servette a certes dégagé une impression de supériorité, mais dans les faits, l’écart n’est pas aussi grand que le score ne le laisse penser. Surtout sur les deux derniers matches. L’acte III est à considérer comme une anomalie avec les huit buts genevois.

3. Le facteur «chance»

En saison régulière, une statistique quasi infaillible pour déterminer les performances futures d’une équipe s’appelle le PDO, qui additionne «bêtement» le pourcentage de réussite aux shoots et le taux d’arrêt d’un gardien. Le but? Estimer la part de variance (certains parlent de chance) et la durabilité (ou non) d’une performance. En clair un PDO «moyen» tourne aux alentours de 100 pour des raisons mathématiquement évidentes. Plus une équipe voit cette métrique s’élever, plus elle risque de voir la régression vers la moyenne la frapper de plein fouet. Une fourchette allant de 98 à 102 est communément admise comme étant une norme tenable sur le long terme.

Pour comprendre la régression vers la moyenne, il suffit de faire un petit exercice tout simple. Prenez une pièce et lancez là 10 fois. Il se peut qu’elle tombe 8 fois sur pile et 2 fois sur face. Est-ce à dire que le prochain jet a 80% de chances d’être pile et 20% face? Non, c’est juste un exemple pour prouver la variance lorsqu’un échantillon est petit. Comme en play-off, en somme. En ajoutant des données (des jets de pièce), l’écart va doucement se lisser pour revenir à un 50-50. C’est pareil en hockey sur glace. Une équipe ne peut pas tenir avec un PDO à 110 et la statistique, tôt ou tard, va redescendre à des valeurs plus normales.

Mais revenons à nos Dragons (et à nos Aigles). Que nous disent les statistiques depuis le début de cette série? Les pourcentages de réussite aux shoots sont respectivement de 4,17% pour les hommes de Christian Dubé et de 10,23% pour les Grenat. Fort logiquement, les pourcentages d’arrêt sont liés, et donc Reto Berra rend un taux de 89,77% et le duo Gauthier Descloux/Daniel Manzato est à 95,83%.

En matière de PDO, cela nous donne donc FR Gottéron rendant un triste 93,94, tandis que le GSHC est à 106,06. Dans les deux cas, ce chiffre est très (trop) éloigné de la fourchette «normale». Plus la série se prolongera, plus l’écart va se réduire.

Mais se prolongera-t-elle?

Le point sur l'infirmerie

Effectif au complet hormis toujours Matthias Rossi et Daniel Brodin, alors que Samuel Walser est suspendu.

Grégory Beaud

lematin.ch