Lundi, la glace a tremblé en deux endroits. À Frölunda le matin, car le club de Göteborg a annoncé que Roger Rönnberg allait partir au terme de la saison prochaine après plus de dix ans de bons et loyaux services. Et à Fribourg l'après-midi en raison du départ de Chrisitan Dubé avec effet immédiat. Le Canadien sera remplacé à titre intérimaire par Pat Emond avant que ce même Roger Rönnberg ne débarque pour la saison 2025/2026.
Alors qu'il lui reste donc un an à entraîner le club de Frölunda avec qui il a gagné deux titres nationaux et quatre Champions Hockey League, Roger Rönnberg a tout de même pris le temps de parler de son avenir. «Je ne vais pas trop évoquer le présent de Fribourg, si tu ne m'en veux pas, rigole-t-il. J'ai un job à faire avec Frölunda. Pour le reste, on peut volontiers discuter.» Durant près de 20 minutes, le Suédois a parlé tactique, techniques managériales et... Basse-Ville de Fribourg. Interview.
Roger, raconte-moi comment tu en es arrivé à signer à Fribourg?
Les gens qui sont dans ce club sont la principale raison qui a motivé mon choix. Que ce soit le président, le vice-président, le CEO, j'ai eu un excellent feeling avec tout le monde. Ils ont de grandes ambitions. Ils veulent construire quelque chose de bien pour ce club et pour les fans. J'aime beaucoup le plan qui est en place et la vision sur la durée. J'ai clairement vu où je pouvais m'insérer dans ce tableau en y construisant une bonne culture sur le long terme.
Tu es resté plus de 10 ans à Frölunda. C'est à ce point important la vision sur le long terme?
C'est capital. Bien sûr, le but ultime de toute personne c'est de gagner. Personne ne peut dire le contraire. Mais c'est également important de laisser une trace ou un héritage en quittant le club dans une meilleure position qu'au moment d'y être arrivé. C'est également pour cela que je suis fier du travail que j'accomplis avec Frölunda. Nous avons réussi à créer un lien fort entre la ville de Göteborg et son club de hockey. C'est vraiment un des grands objectifs pour moi, en tant que coach.
Et comment cela se fait, concrètement?
Cela peut prendre plusieurs formes. Mais ce n'est pas uniquement gagner qui crée cela. Je te donne un exemple. Si des jeunes de l'académie entrent dans la première équipe, cela permet aux gens de s'identifier dans leur équipe. Mais ce n'est pas le seul moyen. Tout dépend de la situation.
C'est central de travailler avec la relève, toi qui as été sélectionneur M20 en Suède?
Je ne peux pas te répondre que je préfère coacher les jeunes joueurs. J'ai autant de plaisir avec les jeunes et les moins jeunes. Mais c'est vrai qu'il y a une certaine satisfaction à voir un espoir franchir des paliers en peu de temps. Leur croissance est si rapide. Et elle m'a aidé à avoir du succès à Göteborg.
Lors de tes meetings avec Gerd Zenhäusern, directeur sportif, c'était un thème important?
Il y en a eu beaucoup (rires). Mais ce qui est important, c'est que Gerd et moi sommes sur la même page. Il a un plan fantastique pour le club et pense que je suis capable de l'aider dans cette direction. Ce sera un travail d'équipe. Car au final, ce n'est pas ce que je veux qui est important, mais ce que le club veut. Mais comme précisé, je veux laisser Pat (ndlr Emond, coach la saison prochaine) travailler calmement sans avoir ma présence en arrière-plan qui le dérange.
Parlons de toi alors. Quel genre de coach es-tu? Ou plutôt, à quoi ressemblent tes équipes?
Une caractéristique est toujours présente: mon équipe va être intense. C'est obligatoire. L'intensité, c'est la première valeur que j'ai. Elle vient, car le travail dur est le point central de notre manière de fonctionner. Gerd m'a parlé de la ville de Fribourg et de sa région. Les gens sont des travailleurs. Je veux une équipe qui crée une connexion avec ses fans en leur ressemblant.
Tu connais Fribourg?
Je suis venu y disputer la demi-finale de Champions Hockey League en 2017. Je me souviens d'une très belle ville avec un paysage avoisinant à couper le souffle. J'ai également appris l'histoire du club avec sa fondation dans la Basse-Ville et la vallée de Gottéron. C'était très intéressant pour moi qui viens de Luleå une petite ville comme celle-ci. Ce sont les valeurs qui s'en dégagent qui m'ont également attiré.
Mais cette année d'attente avant de commencer n'en demeure pas moins particulière...
En hockey, le timing est toujours un problème. C'est difficile d'avoir un enchaînement parfait. J'ai encore un contrat d'un an avec Frölunda. J'ai toujours dit qu'un contrat devait se respecter de deux côtés. Le club m'a aidé et m'a soutenu durant onze ans et cette relation est très forte. Je ne veux pas les laisser tomber et je veux construire la même relation avec Fribourg. Je ne vais jamais tourner le dos à quelqu'un avec qui je travaille. C'est pour cela que nous avons pris cette décision. Je suis évidemment très excité à l'idée de découvrir Fribourg, mais je veux terminer sur une bonne note à Göteborg. Et puis il y a pire que de savoir de quoi ton avenir sera fait. Cela me permet de travailler sereinement.
Tu ne t'attends pas à des coups de fil de Gerd Zenhäusern pour parler du futur?
(il rigole) Si, tous les soirs avant de dormir. Non, plus sérieusement, le challenge du directeur sportif, c'est d'avoir un pied dans le présent et un pied dans le futur. Mais il doit surtout soutenir son entraîneur actuel, Pat. Moi, mon challenge, c'est d'être à Frölunda. Et quand ce sera le moment, je serai totalement investi à Fribourg.
Tu n'as entraîné qu'en Suède. Le fait que le hockey se soit globalisé à ce point va-t-il rendre ton arrivée dans un autre championnat moins compliquée?
Non non, je ne pars pas dans cet esprit. Pour moi, ce sera un immense challenge. Mais un challenge que je me réjouis de relever. Plus que le hockey en lui-même, il faudra également que je comprenne la culture du pays dans lequel j'arrive. Et je sais que les spécificités régionales sont nombreuses, notamment à Fribourg et dans tout le canton. Donc, je suis prêt à relever ce défi. De toute façon, je sais que je ne peux pas changer tout le monde. C'est à moi d'effectuer ce travail d'adaptation en respectant la culture locale. J'ai encore un an pour étudier davantage. À moi d'être humble dans ce processus.
Qui est Roger Rönnberg ?
Passé le tremblement de terre consécutif à l'annonce du départ avec effet immédiat de Christian Dubé, il est temps de passer à la suite. La bonne nouvelle? Avec le timing baroque de l'arrivée de son successeur pour la saison 2025/2026, on a du temps pour s'y préparer. Sur le papier, le nom de Roger Rönnberg claque. Quatre Champions Hockey League, deux titres de champion de Suède et un titre de champion du monde M20 en tant qu'entraîneur principal, il a également remporté trois médailles mondiales comme assistant de Rikard Grönborg à la tête de la sélection suédoise.
Voilà pour le pedigree du bonhomme qui va arriver à Fribourg pour y passer sa première expérience hors de son pays. «Cela n'a pas été une surprise, précise Andreas Johnsson, journaliste pour le «Göteborgs-Posten», le média qui suit au quotidien Frölunda. Cela reste une immense nouvelle au moment où l'info sort. Comme il est là depuis 2013, je pense que nombreux sont les fans à ne pas vraiment pouvoir imaginer le club sans lui. C'est clairement le meilleur coach qu'a eu Frölunda dans son histoire.»
Une équipe à son image
Dans le Comté de Västra Götaland (merci Wikipedia), Roger Rönnberg a lancé Johan Lundskog qui a été son assistant durant trois saisons entre 2016 et 2019. Ensuite, le Suédois a pris son envol pour devenir assistant à Davos et entraîneur principal à Berne. À compter de la saison prochaine, il sera adjoint à Rapperswil. «On parle énormément avec Roger, nous a-t-il confié. J'ai donc forcément évoqué avec lui son avenir et les différentes options qui s'offrent à lui.» A-t-il parlé de Fribourg précisément? «Il a fait ses devoirs au moment de prendre sa décision», rigole-t-il.
Un mot-clé revient dans la bouche du technicien pour parler de son ancien chef: travail. «Il possède une éthique de travail contagieuse, précise-t-il. Cela ruisselle évidemment sur les joueurs, mais dans toute l'organisation. J'ai été impressionné de le voir œuvrer chaque matin. Son équipe est toujours à son image. C'est un reflet de qui il est comme personne: un travailleur infatigable, toujours bien préparé et passionné. C'est ce que l'on peut s'attendre à Fribourg en le voyant arriver.»
«Le package global»
Et au niveau du style de jeu? À quoi ressemblera la cuvée Rönnberg de Fribourg Gottéron? «Frölunda ou Skellefeteå, des équipes ont eu du succès depuis un certain temps, jouent un hockey attractif, précise Johan Lundskog. Ce sont des équipes qui évoluent à un rythme élevé avec des joueurs qui veulent le puck sur la palette. Bref, un style moderne.» Le stéréotype des équipes suédoises est pourtant bien différent. «La Swedish Hockey League est un championnat serré. Pour gagner, tu dois bien défendre. Mais cela ne veut pas dire de se planter à la ligne bleue et attendre. Au contraire, cela passe par une pression continue et un hockey plaisant à voir pour les fans. Roger amène le package global.»
Roger Rönnberg est arrivé en 2013 à Frölunda. «À l'époque, le club avait vraiment besoin d'un nouveau départ, précise le journaliste Andreas Johansson. L'équipe dépensait beaucoup sur des étrangers et commençait à avoir des problèmes financiers. Il a été engagé pour lancer un mouvement bâti sur la formation. C'était une solution à long terme. Je doute qu'il arrive à Fribourg et représente une solution à court terme. C'est vraiment quelqu'un qui travaille dans la durée avec un plan et une structure solide.»
«Il sait que ce sera un challenge»
Comme Roger Rönnberg, Johan Lundskog a effectué la transition entre la Suède et la Suisse. Un changement d'air qui n'est pas anodin du tout. «Quand je disais qu'il avait fait ses devoirs concernant sa nouvelle aventure, cela veut aussi dire que lorsqu'il arrivera à Fribourg, il saura où il met les pieds, précise le technicien. Mais pour moi, ce changement de culture a été un très gros challenge. Pas uniquement techniquement, mais culturellement. En Suisse, les différences linguistiques et régionales sont un facteur à prendre en compte en plus de tout le reste. Ce n'est pas quelque chose de simple à gérer et ce sera son plus gros challenge et il le sait.»
Humainement, Andreas Johansson va regretter le départ de l'entraîneur de Frölunda qu'il côtoyait au quotidien ou presque. «Il sait très bien parler aux médias. Généralement, il est de bonne humeur, mais ça peut lui arriver d'être parfois un peu grumpy (ndlr grincheux) et de rentrer dans le lard des journalistes (rires). Mais c'est quelqu'un d'assez marrant et franc. J'ai l'impression que les gens à Fribourg devraient l'apprécier.»
Grégory Beaud