6 octobre 2024

C’est principalement une question de caractère !

 

«Au bout d’un moment, il faut arrêter de pleurnicher. C’est quoi l’excuse du jour? La glace n’est pas bonne? Le coach n’est pas bon? Aux joueurs de se regarder en face.» Au terme de cette nouvelle défaite, Gerd Zenhäusern semble doucement perdre patience. L’équipe dont il est le directeur sportif patine totalement à l’envers depuis le début de saison. «Il faut aller au charbon, image-t-il. On perd 70 à 80% des duels… Pour moi, c’est principalement une question de caractère.»

Depuis le début de championnat le 17 septembre, Fribourg Gottéron est méconnaissable. «Ça commence par gagner les duels», précise l’homme de bureau. Un sentiment partagé par son entraîneur, Pat Emond. Muet la veille après avoir refusé de venir aux interviews, il s’est cette fois-ci présenté devant la presse. «On continue de jouer en périphérie», s’agace-t-il.

Pour cette rencontre, il avait décidé de se passer de Yannick Rathgeb dont les performances ont été jugées, à raison, insuffisantes. «Aux joueurs de se regarder dans un miroir, poursuit-il. Actuellement, nous n’avons pas la profondeur de banc nécessaire. Sinon, d’autres seraient aussi en tribunes.» Visiblement, l’agacement dans le bureau de Gerd Zenhäusern est également présent dans celui du coach.

Forcément, la question de la présence de Pat Emond sur le banc se pose. Vendredi soir, Gerd Zenhäusern assurait qu’il était l’homme de la situation. Moins de 24 heures plus tard, il ne peut pas se désavouer. «C’est toujours le cas, assure-t-il. À un moment donné, il faut arrêter de pleurnicher et il faut travailler. Il faut arrêter de trouver des excuses partout et se remettre en question. Il faut montrer du caractère. Quand tu vois que c’est Julien Sprunger, à 38 ans, qui est celui qui a le plus de rage, ce n’est pas normal.»

Joueurs devant leurs responsabilités

Pat Emond, lui, veut bien prendre une part de la responsabilité. «Mais pas toute, martèle-t-il à plusieurs reprises. Aux joueurs de se regarder dans la glace, à un moment donné. Ils doivent faire leur mea culpa de ce début de saison et arrêter de se cacher. Tout le monde est responsable. On ne génère à peu près rien offensivement et on reste en périphérie sans vouloir se faire mal pour marquer un but. Quand tout va bien, cela peut fonctionner. Mais tout est difficile cette année comparativement à la saison dernière. Cette année, nous devons aller là où ça fait mal et tout le monde ne veut pas y aller.»

Questionné sur la notion de crise — ou non — dans laquelle se trouve Fribourg Gottéron, le coach ne balaie pas ce terme. «C’est sûr que la frustration s’est installée, admet-il. On est dans une période très difficile. On ne s’attendait pas à une telle situation. Depuis huit matches, nous marquons entre un et deux buts… On ne peut pas construire sur cela. Des joueurs doivent en donner plus.» Ce sentiment était d’autant plus flagrant lors d’un dernier tiers durant lequel Fribourg Gottéron n’a quasi rien montré alors qu’il était mené au score et devait revenir.

«Peu de changements»

Le technicien semble peiner à trouver un moyen de remobiliser ses troupes. «Nous avons évidemment eu des meetings depuis le début de saison, précise-t-il. On a essayé la méthode dure et la méthode douce. Certains ont réagi et d’autres moins.» La métamorphose entre l’équipe de la saison précédente et celle d’aujourd’hui interpelle. «Et pourtant, il n’y a que quelques détails de différents, plaide Gerd Zenhäusern. Deux ou trois joueurs, pas plus.»

Derrière le banc, c’est tout de même très différent avec le départ de Christian Dubé, licencié fin mai. Est-ce suffisant pour expliquer la crise du moment? «C’est une grande question, admet-il. Quand on voit cette équipe qui était en pleine confiance et à qui tout réussissait… À un moment donné, ça tombe plus de ton côté et c’est là qu’il faut essayer de jouer simple. Bien sûr que le coaching staff a changé derrière le banc. Il y a un autre discours. Mais à un moment donné, les joueurs sont des pros, ils savent très bien ce qu’il faut faire, à savoir respecter le plan de match. Aujourd’hui, je ne suis pas sûr qu’il y ait tout le monde qui respecte le plan de match. J’ai l’impression qu’il y en a beaucoup qui veulent sauver la baraque eux-mêmes.»

Comment pousser des joueurs à se dépasser? Peut-être en renforçant la concurrence dans le contingent. Le marché des joueurs suisses est sec, mais de nouveaux joueurs étrangers sont disponibles avec la reprise de la saison de NHL. «On n’est pas encore actifs sur le marché, a expliqué Gerd Zenhäusern. Mais c’est quelque chose qu’on va sérieusement envisager. Il s’agirait plutôt d’un attaquant, mais je le répète, la solution doit venir de l’interne.»

Chris DiDomenico: «Le hockey est censé être fun, mais là ça ne l'est pas»

Parmi les joueurs décevants depuis le début de saison, il y a forcément Chris DiDomenico (mais pas que...). Le No 88 de Fribourg Gottéron n'a qu'un but à son compteur et paraît ne pas y arriver. Il serait faux d'en faire le responsable unique du début de saison foiré de Fribourg Gottéron. Mais il a évidemment une part de responsabilité. Le Canadien ne se défile pas.

Chris, quels sont les sentiments en ce moment?

C'est de la merde en ce moment, je n'ai pas d'autre mot. On travaille par moments, mais le hockey, c'est 60 minutes. C'est dur en ce moment et tout le monde est malheureux. Ce n'est pas drôle de perdre chaque putain de matchs. Mais il n'y a qu'une seule solution: il faut travailler encore plus dur et espérer renverser la situation tôt ou tard.

En regardant vos matches, je ne reconnais plus l'ADN de Fribourg. Avant, c'était rapide, avec des transitions fluides, un jeu de possession. Mais là, plus rien de tout ça. Pourquoi?

Je te laisse analyser ça. Moi, je n'ai pas de mots. Je ne sais plus quoi dire. C'est frustrant. Tout le monde est frustré dans l'équipe. Ce sport se joue sur des détails, quelques rebonds ici ou là. Si De La Rose marque dans le filet vide, c'est un autre match. Mais voilà, c'est comme ça en ce moment. Heureusement, on est encore en début de saison. On a encore la chance de sortir de cette mauvaise passe.

Mais tu es d'accord avec mon analyse? Sur la glace, tu sens aussi que l'ADN qui a fait le succès de Fribourg a disparu?

Je ne vais pas me prononcer sur le sujet. Libre à toi de voir cela de cette manière. Nous, on sait ce qu'on doit faire dans le vestiaire. On se concentre là-dessus. J'espère qu'on va redresser la barre, tant qu'il est encore temps. Je ne pense pas que ce soit trop tard. 

L'année dernière, c'était presque trop facile, et cette année, tout semble trop compliqué. Comment expliquer ce contraste?

C'est le hockey parfois. Tu peux avoir une super équipe une année, et le même groupe galère l'année suivante. Franchement, je ne sais pas quoi dire. Je suis perdu. Tout le monde est frustré, les fans aussi. J'espère qu'on va se reprendre. Demain, c'est repos, puis la semaine prochaine, on attaque une nouvelle série de matches. On a encore 12 matchs en octobre. Ça doit bien finir par tourner à un moment, sinon la saison va être très longue pour nous. Ce n'est pas ce qu'on avait imaginé, mais c'est comme ça. Il faut se battre deux fois plus pour s'en sortir.

Tu penses que cette équipe a en elle la capacité de renverser la situation?

Si on regarde l'année dernière, oui, on s'est battus fort. On peut dire ce que l'on veut. De la chance ou pas. Mais ce n'est pas un coup de bol d'avoir fait 104 points en une saison. C'est d'autant plus incompréhensible d'en arriver là aujourd'hui. C'est juste inacceptable. Mais c'est notre boulot. Le hockey est censé être fun, mais là, ce n'est pas du tout amusant pour beaucoup d'entre nous. Mais il faut garder la tête haute. On doit trouver une solution pour s'en sortir.

Le coach a tenté de faire quelque chose en t'alignant avec Wallamrk et Sörensen. Ca n’a pas été aussi concluant qu’espéré. C'était difficile de vous retrouver sur la glace?

Non. On a eu quelques occasions en première période. C’était la première fois qu’on jouait vraiment un match complet ensemble. On doit tester des choses. On aurait pu marquer trois buts en première période. C’est un jeu de détails, comme je l’ai dit. Mais plus que sur des aspects tactiques, tout se joue sur le cœur et sur l’envie. Et là, franchement, je ne sais plus quoi dire. C’est frustrant. Je n'avais pas imaginé que ça se passerait comme ça. On doit juste enfiler nos habits de travail et trouver un moyen de sortir de ce merdier.

Grégory Beaud

blick.ch