L’artiste et ex-hockeyeur Hubert Audriaz est une figure fribourgeoise
«Gottéron est le premier club d’Europe à s’être doté d’un totem.» Hubert Audriaz n’a pas besoin d’en dire davantage. La fierté se lit sur son visage, fendu par un large sourire. A la patinoire Saint-Léonard, avant chaque rencontre, l’équipe locale bondit sur la glace en émergeant de la gueule d’un gigantesque dragon, pour mieux effrayer l’adversaire.
Une sculpture mobile qui a vu le jour dans son atelier de la Vannerie, en Basse-Ville, un matin de février 1998. Au fil des ans, l’objet est devenu un must incontournable. Les lumières s’éteignent, le dragon surgit dans un sourd grondement, émet de la fumée, crache sa flamme avant que les joueurs ne pénètrent dans l’enceinte au son d’une musique d’épopée. Un rituel immuable.
Mais pourquoi cet animal imaginaire? «Comme habitant de la Basse-Ville, je connaissais bien sûr la légende du dragon de la vallée du Gottéron. Du reste, en hiver, quand il y a de la bise, on entend son cri. Or le berceau du club, c’est cet endroit. Dès lors, il était tout naturel de choisir cet emblème», répond-il.
Label du club
Avant d’avouer qu’il a quand même dû convaincre les dirigeants de l’époque, d’abord sceptiques devant cette créature fantastique. «Ils trouvaient que cela faisait un peu chinois.» L’artiste saura pourtant se faire entendre. Derrière son large sourire se cache un homme obstiné qui sait imposer ses choix. Le dragon deviendra donc, dès le mitan des années 1990, le label du HC Fribourg-Gottéron.
Hubert Audriaz est né en 1940 dans le quartier de l’Auge, situé dans la Vieille-Ville de Fribourg (Basse-Ville). Issu d’une grande famille de onze enfants et habitant un quartier formé de quatorze familles dont quatre-vingt enfants, l’entraide était le mot d’ordre. A quinze ans, Hubert ouvre un atelier de sculpture et de peinture. Puis, trois ans plus tard, il commence le hockey et évoluera durant une dizaine d’année dans le club.
L’existence d’Hubert Audriaz ne saurait toutefois se résumer au hockey sur glace. Trois décennies durant, après un séjour de quatre ans aux Beaux-Arts de Paris, il a joué le rôle d’animateur culturel de la ville de Fribourg. Ateliers créatifs dans son repaire de la Vannerie ou dans sa ferme du Grabensaal, passeports vacances pour les enfants, balades thématiques annuelles dans les endroits les plus cachés de la cité: l’artiste a marqué l’imaginaire collectif des habitants de la capitale cantonale.
Son parcours de golf de 18 trous, imaginé en 1992, à cheval sur la Sarine et zigzaguant entre les maisons centenaires de la vieille ville, reste un coup de génie. Au point que, seize ans plus tard, l’Office du tourisme local a réactivé l’idée avec une sorte de swing golf. Au fil des ans, la thématique de ses itinéraires a pris un tour un zeste répétitif: elfes, fées, mondes merveilleux, Hubert Audriaz est devenu l’enchanteur de Fribourg. Une image renforcée par son look: avec sa longue chevelure hirsute et son bouc blanc, il ressemble à s’y méprendre à un Merlin fribourgeois.
Certes, il n’est plus lié contractuellement à la Ville. «Mais je n’ai pas, pour autant, pris ma retraite. Je continue à créer des animations, en particulier avec les enfants.
Histoire de la Basse-Ville
La légende ne dit pas si Merlin était particulièrement loquace. Hubert Audriaz, en tout cas, est intarissable. Engager une discussion avec lui, c’est se plonger dans l’histoire d’un patrimoine, celui de cette Basse-Ville de Fribourg dont il est natif et qu’il aime par-dessus tout. Né dans le quartier de l’Auge en 1940, l’homme vient d’un milieu modeste. Son père est écrivain public, sa mère artiste. Le couple aura onze enfants, élevés dans une petite demeure de la rue d’Or.
«Dans cette rue, nous étions 14 familles pour 80 gamins. Nous avons appris à partager le peu que nous avions.» Et de décrire la solidarité entre les gens du quartier: «Toutes les caves communiquaient. Si quelqu’un n’avait plus rien à manger, il savait qu’il trouverait des pommes de terre chez le voisin.»
A 18 ans, tandis qu’il a déjà ouvert un atelier de sculpture et de peinture depuis trois ans, Hubert Audriaz commence le hockey. La patinoire est alors aux Augustins, un site tout proche de la maison familiale. «J’ai rejoint les rangs de Gottéron parce que, chez nous, il n’y avait pas d’eau chaude. Or, au club, il était possible de se doucher», se marre-t-il. Deux ans plus tard, il évolue avec la première équipe. Il jouera en Ligue B durant une dizaine d’années, et tâtera même de la LNA avec Bienne.
La première photo officielle de l’équipe de Gottéron, sur l’étang du Jura, à Fribourg, en 1940.
© Archives de l’Etat de Fribourg
«Aujourd’hui, avec mon format, ce ne serait plus possible. Il faut être une armoire pour jouer au hockey.» Le sport est devenu plus physique, mais le passionne toujours autant. Deux fois par semaine, Hubert Audriaz entraîne encore des enfants et des «amateurs de tout âge».
François Mauron