La nouvelle enceinte de Saint-Léonard ne devrait pas être opérationnelle avant 2019. Des incertitudes planent sur le financement et sur le subventionnement du projet.
Le hockey sur glace est un sport basé notamment sur la rapidité d’exécution. La construction des infrastructures nécessaires à sa pratique, en revanche, ressemble plutôt à une course d’escargots. En tout cas à Fribourg. Cela fait bientôt une année, en juin dernier, que le projet de la nouvelle patinoire de Saint-Léonard a été présenté aux médias, en présence des différents acteurs du dossier: en premier lieu Fribourg-Gottéron et la société Losinger Marazzi, chargée de réaliser l’ouvrage, mais aussi la ville et l’Etat de Fribourg, partie prenante de l’aventure. Depuis lors, cela s’agite beaucoup en coulisses. Mais sur la scène, le décor n’a pas bougé d’un iota et les interprètes sont devenus aphones.
«La Liberté» a mené l’enquête pour faire le point sur le dossier, sollicitant de nombreuses sources, qui préfèrent toutes conserver l’anonymat. Conclusion: la mise en exploitation de la nouvelle enceinte, fixée initialement à 2017, ne sera pas effective avant l’horizon 2019.
Projets concurrents
Pour mémoire, le dossier est sur la table des responsables du club et des autorités politiques depuis près de cinq ans. Le promoteur immobilier fribourgeois Pascal Kuenlin a esquissé plusieurs schémas intégrant sur le site une nouvelle piste de glace et une piscine olympique couverte, réclamée par la vox populi. Puis le groupe Losinger Marazzi est entré dans la danse avec un concept qui séduit les dirigeants de Fribourg-Gottéron. Au point qu’ils lui accordent leur préférence, au grand dam des ténors locaux du secteur de la construction, impliqués dans le projet concurrent.
La ville de Fribourg, propriétaire des terrains, suit les desiderata du Dragon, martelant ce message: ce n’est pas aux collectivités publiques d’ériger des infrastructures sportives professionnelles. Elle s’engage en revanche à en faciliter la réalisation et à les soutenir à hauteur de 5 millions de francs, tout en octroyant gratuitement le droit de superficie du sol, d’une valeur estimé à 10 millions de francs. Quant au canton, par le biais du Conseil d’Etat, il promet à plusieurs reprises un subventionnement de 15 millions de francs.
Sur les plans, le bébé de Losinger Marazzi a fière allure: une enceinte de 8500 places (à deux tiers assises), des loges, des restaurants, des locaux administratifs, un parking souterrain. Le coût du projet est estimé à 100 millions de francs, dont 60 millions environ pour la patinoire à proprement parler. La société compte le financer avec l’aide d’un investisseur privé, dont Fribourg-Gottéron deviendrait en fait le locataire.
C’est là que le bât blesse. Cet aspect financier semble avoir été négligé par le club lors des discussions préalables. Au cours du deuxième round de négociations, les coûts de location qui sont articulés apparaîtraient soudain comme prohibitifs. Au point d’engloutir l’essentiel des produits supplémentaires que doivent engendrer les nouvelles infrastructures. Les principaux sponsors de l’équipe sont mis au parfum. Grincements de dents. La situation crée de grosses tensions, qui font partie des causes de la démission de Charles Phillot de la présidence de Gottéron en automne dernier.
Après cet épisode, une «task force» est créée pour prendre en main le dossier. Elle réunit Albert Michel, président du conseil d’administration de la Banque cantonale de Fribourg, Gaston Baudet, un ancien président de Gottéron, et Claude Gremion, directeur Conseils et stratégie de Groupe E.
Après avoir évalué la possibilité de revenir en arrière dans le choix du maître d’ouvrage (autrement dit de revenir vers Pascal Kuenlin), cette instance paraît à présent vouloir aller de l’avant avec la solution retenue il y a un an. Toutefois, plutôt que de compter sur un financement extérieur au canton, elle préfère s’appuyer sur des partenaires du cru, qui formeraient par exemple une société immobilière ad hoc. Le groupe Losinger Marazzi a d’ores et déjà fait savoir qu’il pourrait vivre avec un tel scénario. En revanche, il ne cacherait pas une certaine lassitude devant tous ces atermoiements.
60 millions à trouver
Pour édifier la patinoire, la «task force» doit trouver grosso modo 60 millions de francs. Dans son optique, la moitié de la somme est avancée par la ville (les 5 millions de subventions, auxquels s’ajoutent les 10 millions du droit de superficie) et par l’Etat. Or ce dernier - mesures d’économies obligent - mégoterait sur son subventionnement, et il n’est pas certain, actuellement, que le montant qu’il a promis à maintes reprises soit intégralement versé. A ce propos, du reste, Benoît Gisler, chef du Service cantonal du sport, déclare: «Il n’a jamais été annoncé qu’il y aurait 15 millions de subventionnement cantonal. Il s’agit d’un plafond. Le canton peut prendre en charge jusqu’à 35% des dépenses subventionnables.» Tout dépendra donc de ce qu’il considérera comme tel.
Pour toutes ces raisons, le dossier a pris du retard, et on estime aujourd’hui que la nouvelle patinoire - qui sera érigée en lieu et place de l’actuelle seconde piste de glace (qui devra être démolie) - ne pourra pas être opérationnelle avant 2019.
Avec la piscine
A noter que si le projet avance au ralenti, un important travail a déjà été accompli par les différentes parties en ce qui concerne le futur aménagement du site de Saint-Léonard. Outre un temple dédié au hockey sur glace, ce dernier devra comprendre une piscine couverte de 50 mètres, en tout cas selon les vœux de la ville de Fribourg. Qui va ouvrir à cette fin un concours d’architecture et d’urbanisme. Parmi les pistes suggérées: étudier la possibilité de réunir à l’emplacement de l’actuelle BCF-Arena, sous un même toit et sur deux étages distincts, le bassin de natation et une piste de glace d’entraînement.
François Mauron