A Davos, nous avons reçu l’ordre de la direction de ne pas répondre aux questions d’un journaliste précis.
© Charles Ellena
Tous les quinze jours, le défenseur Michaël Ngoy évoque les coulisses de Fribourg-Gottéron et le monde du hockey sur glace. Il revient sur le boycott de «La Liberté» par les Dragons, soulignant avoir «reçu l'ordre» de la direction du club.
C’était le matin de la reprise du championnat de ligue A. Comme souvent, Julien Sprunger et moi étions arrivés un peu avant les autres à la patinoire. En buvant un café, on se disait qu’on avait réussi un bel été malgré les blessés. Notre campagne européenne avait été bonne, avec deux gros matches contre Zlin pour terminer. On lit «La Liberté» et on tombe sur le cul. La défense ne va pas, l’attaque ne va pas, le gardien, eh bien voilà… C’était injustifié. Cela a beaucoup discuté dans le vestiaire (l'article en question «Le soufflé est retombé à Gottéron» est à lire en cliquant ici, n.d.l.r.).
Nous sommes des professionnels et nous en avons conscience. Pour moi, c’est le cas depuis environ 14 ans. Nous savons comment ça marche et nous avons appris à encaisser la critique. Nous savons la gérer. Mais nous sommes des êtres humains. Nous avons été touchés.
Nous avons construit une carapace. On sait que si le grand (Julien Sprunger) ne marque pas pendant quelques matches, il sera critiqué. Ou que si nous encaissons trop, cela ne va pas passer… Nous sommes là pour livrer des performances et si ce n’est pas le cas, il faut faire avec. Je me souviens de notre défaite synonyme de relégation en ligue B avec Lausanne. J’avais 21 ans, j’avais signé à Fribourg et on me demande une interview en sortant de la glace. Je n’avais peut-être pas la tête à ça, mais j’ai été au micro. Répondre aux journalistes, cela fait partie de notre quotidien.
Pour en revenir à notre sujet, nous avons pris un gros coup derrière le genou et nous n’en avions pas besoin à l’heure de la reprise après de bonnes prestations en CHL, sans Bykov ni Tambellini. Il y a des critiques plus difficiles à avaler. Nous sommes des pros, mais des êtres humains avant tout. Nous avons réagi. Nous étions déçus et basta.
L’affaire a ensuite pris des proportions énormes. A Davos, nous avons reçu l’ordre de la direction de ne pas répondre aux questions d’un journaliste précis. «Aujourd’hui, on ne lui donne pas d’interview», a-t-on entendu. J’étais surpris. En plus, nous avions perdu 8-2... On a vite fait de nous prendre pour des vilains petits canards. On a vu sur certains sites que les joueurs boycottaient les journalistes après la lourde défaite. Nous nous sommes retrouvés dans une position délicate. On nous faisait passer pour des pigeons. Nous n’avions fait qu’obéir à notre employeur, mais, dans le contexte, nous avions l’air stupides. A peine sorti de la glace, à Davos, j’ai pourtant répondu à une interview en direct à la télévision. Et ce n’était pas une première.
Ce que je retiens de cette histoire, c’est qu’à chaque fois qu’il se passe quelque chose dans un vestiaire, il y a une version. Après, on découvre toutes les interprétations dans les médias et le public. Même si nous sommes des pros, certaines critiques nous touchent. On ne peut pas l’éviter, comme on ne peut pas avoir le même niveau de jeu durant dix ans de suite. Là, c’était un jour, un match, une mauvaise soirée. En plus, on a pris huit buts! Et nous, les joueurs, nous lisons aussi les journaux.