L'histoire de la patinoire des Augustins
Tout est bien choisi: le sport, le lieu et le nom du club. Comme l'explique scientifiquement Marc Waeber, "Le mot Gottéron est u8ne excellente illustration du bolze, cette étonnante coexistence de 3 langues. Gottéron signifie Gitt ist betrunken, Dieu est saoul, en bolze Gott est rond. C'est pourtant facile à comprendre"
Les fondateurs du club de Gottéron
Quarante-trois ans plus tard, attablé au café du Soleil-Blanc, 3 de ces fondateurs, Walti Schieferdecker, Popaul Gross et Albert Jelk disent le geste du HC Gottéron. Ils ont la mémoire qui chante. "C'était le règne du système D. Il fallait tout faire soi-même: les équipements, les jambières, les cannes, les buts. Il fallait même dépecer les voitures du garage voisin et voler le cuir. Il n'y avait que les pucks que nous devions bien acheter, la mort dans l'âme"
Vient le moment tant attendu : la demande à la Ligue suisse. Inspection sérieuse, très sérieuse. Le club est refusé, les jambières du gardien ont un centimètre de trop. Gottéron se venge sur les équipes qui osent l'affronter. Les joueurs de l'Auge deviennent toujours plus forts, les spectateurs plus nombreux et la porte de la Ligue suisse s'ouvre enfin.
Il faut alors déménager. Les copains choisissent les Augustins. Au centre de l'Auge. D'un côté, la falaise d’où émergent l'église St-Maurice et l'ancien couvent des Augustins, devant lequel eut lieu la dernière exécution du canton. De l'autre, la Sarine. Tous, dans le quartier, se mettent au travail. Les épouses et les filles retroussent les manches. Une coopérative, propriétaire de l'endroit, est fondée.
Il y a bien quelques croassements. Le curé apprécie peu cette proximité bruyante et joyeuse. de plus, le tuyau qui amène l'eau à la patinoire et qui passe devant l'église est troué. Conséquence logique: le parvis de l'église devient une vrais patinoire, pire: un chemin de croix. Les fidèles du dimanche matin se foutent allègrement sur la gueule. Jamais un missel n'a remplacé une bonne canne de hockey. Et comme le curé Schoenenberger refuse de chausser les patins pour monter en chaire, il menace le club des foudres divines.
Le ciel l'entend: en hiver 1941, la nouvelle patinoire est prête. Comme dit Walti Schieferdecker, quand il évoque ces débuts: "Nous , nous avons déjà connu le paradis." Depuis, et jusqu'à cette ascension en ligue A, le culte se célèbre, chaque match étant un rite, une cérémonie. En 1937, les officiants s'appellent : Jaeger, Gross, Zahno, Mülhauser, Jelk, Vonlanthen, Eltschinger, Stempfel, Schieferdecker. En 1980, les joueurs se nomment Luedi, Rotzetter, Boschung, Stempfel, Stoll, Waeber, Raemy, Meuwly ou Schwarz. Les Bolzes sont toujours à la manoeuvre.
Ce culte dépasse le sport. Il ne s'agit pas de coubertinage, ni de marivaudage. C'est plus simple et plus rude. L'Auge s'exprime. L'Auge clame son désespoir. Il y a une nouvelle exécution capitale, et capitaliste. Les spéculateurs sont venus. Ils ont transformé de nombreuses maisons en studios et en duplex de luxe. L'Auge perd ses gosses, sa vie, son sang. Et comme ce quartier de molasse n'engendre pas des mollusques, le cri est violent.
Sur l'eascension, lesa Bolzes dérouillent les grandes vedettes médusées d'Arosa, de Bienne, de Berne. Gottéron est comme cet élève du fond de la classe, près du fourneau, qui tout à coup démontre à ses professeurs ébahis le théorème de Pythagore en utilisant les références de Lobatchevski.
La riposte du Rababou, le journal satirique de l'Auge, fut cinglante, comme un slap-shoot qui perce les filets : "J'irai patiner sur vos tombes"
L'hymne de l'Auge
(par les 3 canards)
Egger Ph.