Un shift par l’administration cantonale vaudoise et John Gobbi (39 ans) est de retour sur les patinoires, ou dans les coulisses des patinoires. À partir du 1er octobre, l’ancien défenseur de ligue nationale A (929 matches) succédera à Raphaël Berger au poste de directeur général de FR Gottéron. Un poste qui aurait déjà dû être le sien à GE Servette, mais qui finalement lui échappa. Une affaire dont il ne souhaite pas parler. Dès cet automne, il dirigera donc le club fribourgeois qui, selon lui, a tous les atouts – une patinoire flambant neuve, une âme, une filière de formation – pour décrocher le titre suisse, «un jour».
Au début du mois de juin, vous aviez commencé à travailler dans l’administration cantonale vaudoise et le 1er octobre, vous serez directeur général de FR Gottéron. Le sport vous manquait-il tant que ça?
Non, pas tant que ça! Mon travail à la direction des finances communales me plaisait beaucoup, le climat était agréable, mon chef comme mes collègues étaient compétents et il y avait plein de questions passionnantes à régler à l’État de Vaud, mais finalement, j’ai eu l’opportunité unique de reprendre un club en plein développement, FR Gottéron. Je ne pouvais pas laisser passer cette chance. J’avais gardé un pied dans le monde du hockey, je travaillais comme consultant, on ne tourne pas comme ça le dos à 35 ans de sa vie.
Quand, comme vous, on a 929 matches de National League, est-ce qu’on arrive à faire le deuil de l’excitation liée au sport d’élite?
J’y suis arrivé, oui. Personnellement, je m’étais préparé durant ma carrière déjà à la retraite sportive. Je savais que je ne serais pas toute ma vie un sportif professionnel. J’ai choisi d’arrêter en 2018, alors que, physiquement, j’aurais pu prolonger ma carrière. Une fois que j’avais fermé le chapitre du sport professionnel, j’étais très bien dans ma peau. Je ne joue plus beaucoup au hockey, même en tant qu’amateur, mais depuis huit ans, je continue d’organiser chaque été, même pendant la période de Covid, une académie pour les jeunes hockeyeurs. Nous avons réuni jusqu’à 110 jeunes à Bellinzone.
Vous êtes l’un des rares hockeyeurs suisses qui a concilié la carrière professionnelle avec des études universitaires (un master en finance aux universités de Genève et Lausanne)…
À l’époque, j’ai fini mon master en 2011, c’est vrai qu’il y avait peu de hockeyeurs à l’université, car le cadre académique était plus strict qu’aujourd’hui. Je n’ai pas de statistiques, mais je pense qu’il n’y avait pas plus qu’un ou deux joueurs par club qui étaient à l’université. À GE Servette, par exemple, il y avait Morris Trachsler et moi. Pour ma part, j’ai eu la chance de tomber sur un conseiller aux études qui m’a permis d’adapter mon calendrier universitaire. Avec la digitalisation, je pense que ce sera plus simple de mener en parallèle une carrière de hockeyeur et un cursus d’étudiant.
Serez-vous le directeur général qui apportera le premier titre de champion suisse à Gottéron?
Ce qui est sûr, c’est que mon prédécesseur, Raphaël Berger, et tout le conseil d’administration avec lui, ont fait un travail énorme. Aujourd’hui, le club est bien structuré, il dispose avec la BCF Arena d’une magnifique patinoire. Le projet a été mené de façon incroyable! C’est vraiment l’une des plus belles enceintes de Suisse, et en plus, elle a su garder l’âme de Saint-Léonard. Avec une capacité augmentée, cette patinoire permettra de meilleures recettes. Je pense que grâce à tout ça, le club a franchi un palier et qu’il pourra chercher un jour le titre suisse.
«A Fribourg, en plus, nous pouvons compter sur l’âme de Saint-Léonard»
John Gobbi
Il faudra faire mentir les statistiques: il n’y a plus eu un titre romand depuis Bienne en 1983!
C’est vite vu: Lugano a gagné le titre en 2006, et depuis cette année-là, jusqu’au sacre de Zoug la saison dernière, trois clubs seulement se sont partagé le championnat: Davos, Berne et Zurich. Donc, cela fait cinq clubs seulement en quinze ans! J’ai pourtant l’impression que les équilibres sont en train de changer, mais cela prend du temps. Regardez Zoug: il s’est écoulé dix ans entre sa nouvelle patinoire et son titre de champion de Suisse.
Pensez-vous vraiment qu’une patinoire soit plus importante que la puissance financière qui est derrière un club, comme c’est le cas à Zoug?
Les deux éléments jouent un rôle. La patinoire est une carte de visite qui permet d’attirer des joueurs et d’accroître les revenus. À Fribourg, en plus, nous pouvons compter sur l’âme de Saint-Léonard. Si l’on ajoute cette ambiance passionnelle à des infrastructures toutes neuves, nous avons, à mon avis, la combinaison parfaite. Un autre atout de FR Gottéron, c’est la qualité de sa formation. Zoug doit nous inspirer: le club a investi – si je ne me trompe pas – environ 100 millions dans la création d’un centre académique, et aujourd’hui, des joueurs formés au club intègrent la première équipe. En play-off, quand les blessures s’accumulent, quand l’état de forme fluctue, cela me paraît important de pouvoir compter sur un cinquième bloc composé de jeunes joueurs. Cela peut être décisif. À Fribourg, il y a une vraie volonté de développer le mouvement junior et de donner une chance aux jeunes formés au club. J’ai travaillé comme directeur du mouvement junior à Lausanne, et pour nous, Fribourg était la référence en Suisse romande.
Pourtant, il y a très peu de juniors qui à Fribourg accèdent à la première équipe…
Parce que, comme ailleurs, les meilleurs jeunes sont vite attirés par l’Amérique du Nord, et parce que beaucoup de talents sont partis à Zoug, qui dispose de la meilleure académie de Suisse. Récemment, à la Vallée de Joux, des jeunes Fribourgeois ont été alignés dans les matches amicaux et ils se sont montrés performants. Mais pour moi, l’essentiel n’est pas pour un jeune d’accéder un jour à la première équipe: il faut considérer le sport comme une école de vie, la plus importante après les parents et la scolarité. Tous les jeunes hockeyeurs n’évolueront pas en National League, mais il faut que chacun puisse trouver une catégorie de jeu qui lui permettra de s’épanouir. Le hockey doit donner un bagage pour l’âge adulte à des garçons ou des filles qui auront commencé à jouer quand ils avaient 5 ans.
John Gobbi en bref
39 ans, 929 matches de National League entre 1999 et 2018, avec Ambri, GE Servette, Zurich et Lausanne. 49 matches internationaux. Champion de Suisse avec Zurich (2012).
Formation: 2011, master en comptabilité-contrôle et finance aux universités de Genève et Lausanne.
Fonctions: directeur administratif et financier de Lausanne (2018-2020), responsable du mouvement junior de Lausanne (2020-2021).