"Sous un maillot qui se porte avec fierté, si tu le portes; il faudra le mouiller !" Fan's Club Fribourg Gottéron

16 avril 2024

Dubé coupable ? OK, mais de quoi ?

 

Apparemment, le titre employé mercredi soir en ouverture de l’article concernant le match Fribourg-Lausanne a fortement déplu. Comme si nous avions tiré sur une ambulance. «Lausanne est en finale, Fribourg… comme d’habitude!». Gageons que ce n’est pas l’annonce de la qualification vaudoise pour sa première finale de son histoire qui a fait jaser, mais bien le douloureux rappel que Gottéron n’y est jamais arrivé.

Arrivé à quoi? À décrocher ce sacre helvétique qu’il attend depuis sa promotion en LNA un certain 4 mars 1980. Quarante-quatre ans, donc. BIen sûr, l’objectif des Dragons s’est voulu fluctuant au fil des saisons de ce presque demi-siècle, mais il n’est pas faux de rappeler non plus que depuis ses trois finales perdues contre Berne et Kloten entre 1992 et 1994, les Fribourgeois ont eu quelques réelles possibilités de décrocher le Graal, mais se sont ratés lors des séries éliminatoires. Alors qu’ils avaient quasiment tout pour réussir, sauf peut-être la foi.

Car pour aller en finale et remporter un titre, il faut non seulement avoir une équipe au-dessus du lot, mais il faut aussi y croire et travailler. Ce qu’on fait les Dragons cette saison. Mais il a manqué ce petit quelque chose qui a permis de faire la différence: l’esprit playoffs. Surtout ne pas croire que tout va s’arranger sur la longueur parce que certain de sa toute-puissance. Un message que Christian Dubé n’a eu cesse de faire passer durant toute la saison.

Gottéron a souvent gagné tout en patience, sur la longueur, le fruit d’un consciencieux travail d’équipe usant pour l’adversaire… ou sur un coup d’éclat d’une de ses stars suédoises qui ont su trouver la parade pour sauver la baraque. De souffrance dans tout cela, pas grand chose. Juste du travail bien fait. Lorsqu’il a fallu se dépasser, la méthode Coué n’a pas servi à grand chose. L’air désabusé sur le banc de Dubé révélait bien une certaine impuissance à faire comprendre son message.

Mais est-ce de la faute à Dubé si les guerriers se sont retrouvés dans le camp d’en-face? A un certain moment, le chef propose/impose, le joueur dispose. Lausanne a finalement été meilleur que Fribourg, Geoff Ward aurait donc gagné son duel tactique face au Canado-Suisse. Oui et non.

Que peut-on reprocher au coach fribourgeois dans sa manière de conduire ses troupes lors de ces matchs décisifs? Tout au plus pourrait-on estimer que sa forte propension à bouleverser ses lignes d’attaque au fil des matchs a fait disparaître quelques repères sur lesquels s’appuyaient ses joueurs. S’il ne l’avait pas fait, nul doute que d’autres lui auraient reproché un certain immobilisme. À tout ceux qui demandent sa tête, nous serions très intéressés de connaître de vrais arguments pas seulement basés sur le résultat…

Mais Dubé avait-il en mains les moyens de bouleverser l’ordre établi? Le constat est clair: l’offensive fribourgeoise a été la plus efficace en saison régulière, son impact a pratiquement été divisé par deux en playoffs. Oui, on était en droit d’attendre plus d’un Marcus Sörensen soudainement aphone devant la cage adverse. Cette non-qualification pour la finale lui vaudra de ne pas être nommé MVP aux prochains Swiss Ice Hockey Awards. Oui, on pensait voir les Lucas Wallmark, Jacob De la Rose ou Christoph Bertschy plus en évidence au niveau des statistiques qui comptent.

Durant tout l’exercice, Fribourg a sans doute un peu trop vécu sur les mêmes hommes décisifs, il l’a payé au moment crucial: face à Lausanne, pendant que les Dragons recherchaient leurs leaders, le LHC a compté dans ses rangs sept buteurs différents. Et les absences de fin de saison sur blessures ont été dommageables, au point qu’elles ont (re)mis en évidence un point que nous soulevions déjà en début de saison: la profondeur de l’effectif! Situation ambigüe: le coach Dubé a été desservi par le directeur technique… Dubé.

De notre point de vue, on ne peut pas reprocher grand chose au coach Dubé. Sa responsabilité dans l’élimination ne serait-elle pas plutôt engagée dans son rôle de directeur technique, rôle qui – rappelons-le – n’est plus le sien depuis quelques semaines? Car oui, le patron a eu des opportunités cette saison de garnir un contingent qu’on savait – qu’il savait – très court. Certes a débarqué Thomas Grégoire pour parer à une blessure d’un autre défenseur étranger (Ryan Gunderson et Andreas Borgman se sont finalement révélés plus solides que craint). Mais c’est tout.

On a vu que l’absence de Raphael Diaz et Dave Sutter tout en fin d’exercice a déjà obligé Dubé à quelques contorsions avec les sept arrières restant à disposition. Surtout que Benoît Jecker a connu une petite baisse de régime en fin de saison. Si Maximilian Streule n’était pas devenu une des belles surprises de cet exercice, l’arrière-garde fribourgeoise aurait été correcte, sans plus. Donc pas suffisamment performante pour jouer le titre. Surtout que Reto Berra, pas loin de 93% d’arrêts pourtant, n’a pas été plus transcendant que cela au rythme d’un match tous les deux jours et que le coach n’avait pas (encore?) en Bryan Rüegger un backup suffisamment crédible/expérimenté à ce niveau de compétition.

Pour le directeur technique Christian Dubé, l’élément-clé aura bien sûr été un budget mois élevé que Zurich ou Lausanne, les deux finalistes. Avec un peu plus d’argent, peut-être aurions-nous vu débarquer un Tim Berni ou un Ludovic Waeber pour clore la saison avec moins de soucis. À l’heure où Dubé a eu de la peine à former un alignement performant, Ward avait à sa disposition pléthore de joueurs et de possibilités d’ajustements de ses lignes (y compris au niveau des étrangers), ce qu’il ne s’est pas gêné de faire.

Alors oui, le coach lausannois a gagné face à son homologue fribourgeois parce que c’est Lausanne qui a pu donner le ton de la série. Parce que Dubé, soumis à une très grosse pression, a peut-être un peu sur-coaché et (inconsciemment) laissé un peu trop de place à ses cadres durant l’ensemble de la saison.

Dans tout cela, nous ne voyons rien de suffisamment grave qui pourrait signifier la fin du rapport de travail entre Christian Dubé (le coach) et le club. Par contre, le manque d’anticipation lorsqu’il était encore directeur technique peut-être un élément aggravant. Ce Gottéron est annoncé vieillissant depuis quelques saisons déjà, ce sera encore le cas l’année prochaine malgré la retraite d’Andrei Bykov. Dans douze mois, avec le retrait de Julien Sprunger, Gottéron aura définitivement bouclé son cycle. L’intelligence voudrait que cela se fasse avec la structure en place.

Changer d’entraîneur maintenant avec une équipe déjà en place? Pour engager un entraîneur au nom ronflant qui couterait encore plus cher que Dubé… qu’il faudrait de toute façon encore honorer une année? La décision serait étonnante venant d’un club qui, justement, s’est constamment plaint de ne pas avoir assez d’argent. Mais qui n’a pas non plus aidé le directeur technique et coach Christian Dubé a vivre une saison sereine.

La saga pour lui trouver un successeur à la direction technique n’a pas été des plus heureuses, elle n’a fait que fragiliser sa position. Comme elle envoie un premier signe négatif en direction de Gerd Zenhäusern quand le président Hubert Waeber déclare dans La Liberté qu’il a eu un peu de peine à comprendre le non-renouvellement des contrats de Bykov et Mauro Jörg après leurs belles prestations en playoffs. Avant de préciser qu’il fallait rajeunir l’équipe. Le discours divergent entre Dubé et John Gobbi, le CEO de Gottéron, concernant la participation des Dragons à la Coupe Spengler est aussi quelque chose à maîtriser de façon plus ordonnée à l’avenir.

De notre point de vue, alors que nombreux sont ceux qui parlent d’échec pour Gottéron, nous nous bornerons à parler d’issue décevante (mais un peu prévisible) après une saison qui a vu le club dépasser la barre des 100 points pour la première fois de son histoire, finir à la deuxième place de la saison régulière et faire rêver tout un canton… et beaucoup plus loin. Et c’est pour cela qu’aujourd’hui, nous estimons que les Fribourgeois ont réussi leur saison. D’accord, on se dit qu’elle aurait pu être plus belle encore… comme d’habitude.

Philippe Ducarroz

planetehockey.com