"Sous un maillot qui se porte avec fierté, si tu le portes; il faudra le mouiller !" Fan's Club Fribourg Gottéron

5 septembre 2024

Julien Sprunger se livre avant la saison

 

Julien Sprunger a donné ses premiers coups de patins en National League lors de la saison 2002-2003. Durant le dernier exercice, le No 86 de Fribourg Gottéron a fêté son 1000e match dans l’élite. Il a terminé le championnat avec 19 points (9 buts, 10 assists). Avec les années, l’attaquant a appris à embrasser un nouveau rôle. Celui de leader par l’exemple, mais plus forcément leader au moment de marquer des buts. Cela ne le dérange pas plus que cela, comme il l’avoue.

Cette année, il doit faire face à un nouveau défi: jouer sans son compère de toujours, Andrei Bykov, tout jeune retraité. À quelques heures du premier match officiel en Champions League face à Sheffield, Julien Sprunger a pris le temps de se livrer durant un quart d’heure. Sans filtre.

Julien, à ton âge, ça reste spécial de commencer une nouvelle saison ou tu en as suffisamment vues pour ne plus ressentir d’excitation?

Non, recommencer une saison est toujours quelque chose de spécial, même si à force, cela devient une habitude. La préparation estivale est importante, mais ce n’est pas la même chose que de jouer dans de grandes patinoires avec du public et des émotions. C’est tout de même largement plus fun. Il y a toujours une excitation de début de saison, mais aussi beaucoup d’incertitudes. On peut démarrer fort ou au contraire, avoir des débuts difficiles qui affectent toute la saison.

À force, tu es capable de dire dès le mois d’août comment ça va tourner?

C’est difficile de prédire avant le début de saison, car il y a tellement de facteurs à considérer: un changement d’entraîneur dans notre cas, les blessures, la forme des autres équipes. Mais au moment de reprendre, tu veux toujours être optimiste, même si certains matches amicaux ne se sont pas forcément bien déroulés. Mais une fois que la saison commence, tout peut changer. Mais c’est rare que je me sois dit en été déjà qu’une saison allait mal se passer. Je ne sais même pas si c’est déjà arrivé. Ce qui est difficile, c’est que tu ne peux pas te rendre compte d'où se situent les autres équipes. Et ça, il n’y a que les matches officiels qui peuvent te le dire.

Quel est l’état d’esprit de Fribourg cette année après une bonne saison précédente, mais avec quelques regrets en demi-finales?

Tu dis que c’était une bonne saison, mais si nous perdons le match No 7 contre Lugano, on parle de saison ratée. Nous savons que nous avons construit une bonne équipe et que le club continue de progresser. Les ambitions sont élevées. Nous ne ressentons pas de pression particulière pour faire mieux que l’année dernière, mais nous voulons passer un cap, notamment dans les moments clés comme les quarts de finale et les demi-finales. Mais pour l’instant, on est toujours un peu bloqué sur ce palier. On a des succès en saison et ensuite cela se passe moins bien.

Comment tu as vécu le licenciement de Christian Dubé et son remplacement par Pat Emond?

Je vais être totalement transparent. Chaque année, et ce depuis que je suis capitaine, on a toujours des discussions avec l’entraîneur en place, avec le directeur sportif si ce n’est pas la même personne que le coach, le directeur et le président. On parle de tout. Cela peut être purement sportif, mais cela peut également parler de la communication, de l’événementiel. On fait ça dans le but de toujours vouloir faire un pas vers l’avant. Cette année, cela s'est passé comme d'habitude.

Finalement, la décision est tombée après le Mondial, plus d’un mois après la fin du championnat.

C’était annoncé partout qu’il n’y aurait pas de changement. Je me suis dit «Ok, on continue comme ça». Et puis tout d’un coup, il y a eu cette annonce qui est un peu surprenante. C’était durant une période très creuse avec les étrangers qui sont chez eux et plusieurs suisses absents. Au quotidien, cela n’a pas changé beaucoup de choses dans un premier temps. Bien sûr que ça fait bizarre d’un point de vue humain. J’avais joué avec Christian, je l’avais eu comme directeur sportif et comme coach. Cela fait spécial qu’il ne soit plus là. Après, tu te dois de regarder vers l’avant. Le club a une volonté d’aller dans cette direction. Il y aura du positif, il y aura des choses plus difficiles. Mais ça n’a pas été aussi mouvementé que cela aurait pu l’être si c'était arrivé en cours de saison. Pat a pu arriver avec sa volonté, sa manière de travailler et avec ses idées.

On pourrait avoir tendance à parler d’année de transition à Fribourg. Mais toi, j’imagine qu’à ton âge cela ne veut rien dire…

(Il rigole) Non en effet et je pense que tout le monde veut vraiment faire passer le message que ce n’est pas une année de transition. Même si cela peut sembler être le cas avec l’arrivée d’un nouvel entraîneur l’année prochaine (ndlr le Suédois Roger Rönnberg a déjà signé pour trois saisons à compter de 2025/2026), nous sommes ici pour gagner et progresser dès maintenant. Nous avons plusieurs compétitions importantes à jouer et l’objectif est de réussir dès cette année. Il ne s’agit pas de simplement attendre l’année prochaine. Surtout pour moi, qui ne sais pas encore si ce sera ma dernière saison ou non.

Justement, comment gères-tu ce fait d’être en fin de contrat et potentiellement en fin de carrière? Tu y réfléchis beaucoup?

Je te mentirais si je disais que je n’y réfléchis pas. Mais je le gère très simplement. J’ai décidé de ne pas prendre de décision pour le moment. À mon âge, il est important de rester motivé et de se pousser. Si je savais que c’était ma dernière saison, je pourrais me relâcher. Je ne sais pas si cela aurait été le cas, mais je ne voulais pas qu'il y ait cette tentation. Je veux rester compétitif et continuer à challenger les autres et moi-même. Pour l’instant, je me concentre sur cette saison et je verrai ensuite.

Et tu as l’impression que ç'a fonctionné?

Oui, j’ai l’impression. Mon rôle a pas mal évolué dans le club et dans l’équipe. Surtout durant l’été avec de nombreux cadres absents. Mais les jeunes et les juniors sont présents. J’adore cette période durant laquelle je peux les pousser. Mais dès qu’on va courir, j’adore finir premier et leur dire qu’à mon âge ils devraient me bouffer (rires). Je suis toujours dans cet état d’esprit et j’adore ça.

La saison dernière, j’ai eu l’impression qu’à certains moments, c'était toujours «le bon vieux Sprunger». Et à d’autres moments, cela paraissait plus compliqué. Tu as le même sentiment? Et comment le vis-tu?

Je suis totalement conscient de ce que tu dis. J’aimerais te dire que je vais encore marquer 25 ou 30 goals cette année, mais ce n’est plus possible avec l’âge et le rôle que j’ai maintenant. Aujourd’hui, on a six étrangers et on a des joueurs offensifs suisses qui sont meilleurs que moi et qui marquent plus de goals que moi. Je suis à un stade de ma carrière où j’accepte le rôle que l’on me donne. Je dois être prêt à jouer en quatrième ligne 6 ou 7 minutes par match et de ce fait, j’ai dû apprendre à me détacher de ma production pure. Bien sûr que j’adore marquer des goals, j’adore faire des points. C’est aussi un retour du travail que tu fais. Mais par contre, j’ai conscience qu’il n’y a pas que ça qui montre mon implication dans l’équipe. Ce n’est pas parce que tu ne marques pas 10 ou 15 goals que ta saison est catastrophique.

Et cette acceptation, comment ça s’est fait?

Je l’ai beaucoup remarqué avec Andrei (ndlr Bykov) sur la fin de sa carrière, Il a accepté de mettre de côté toutes ces considérations de production, de buts ou d’assists. Ce n’était même pas son objectif. Ce qu’il voulait, c’était d’aider l’équipe à chaque fois qu’il allait sur la glace. Ce n’est pas quelque chose de facile à accepter quand tu as souvent été celui qui fait la différence de passer à un autre rôle. Surtout en jouant beaucoup moins, tu as certains matches où tu n’as pas la moindre occasion de but ou une seule. Et si tu ne la mets pas, on retiendra que tu n’as pas marqué depuis quelques matches. Mais je crois vraiment avoir appris à jouer ce rôle.

Justement cette saison sans Andrei, tu as dû trouver un nouveau voisin de vestiaire?

Mais figure-toi qu’on n’était pas trop à côté l’un de l’autre. Les coachs nous séparaient pour qu’on parle à d’autres personnes sûrement (rires).

Comment tu vis le fait de recommencer cette saison sans lui?

C’était assez spécial parce qu’on avait forcément nos petites habitudes. Tu fais un truc et tu le cherches du regard, mais il n’est plus là. Ça change un peu mon quotidien. Après, j’ai perdu le hockeyeur, mais comme ami et comme personne il est toujours là. On s’écrit encore tous les jours. Il est passé plein de fois à la patinoire et nous nous voyons encore régulièrement. Ça, ça n’a pas du tout changé.

C’est surtout à la patinoire que tu le vois.

Oui. Purement au niveau du hockey, c’est assez dur. Dans le car, on était assis ensemble et on discutait après les matches. Là, d’un coup, ça s’arrête. En Champions League, on était toujours ensemble en chambre. Il va falloir trouver un nouveau roommate.

Tu connais déjà son identité?

Non. Le coach nous réserve la surprise (rires). Mais ce sont ces petits moments qui te font revenir à la réalité qu'il n'est plus là. C’est clair que c’était très difficile à accepter pour moi aussi. C’est quelqu’un qui a beaucoup compté comme hockeyeur et qui compte toujours beaucoup pour moi. C’est sûr qu’il sera irremplaçable. Mais comme pour tout, il faut aller de l’avant. Et je sais que je peux toujours compter sur lui à côté. C’est ce qui compte le plus.

Grégory Beaud

blick.ch