La transaction annoncée hier semble arranger tout le monde, restait encore à en connaître les détails. Les voici:
Pendant que les Dragons roulaient à destination du Lac-Noir, Killian Mottet a pris la direction de Porrentruy. Comme pressenti, l’ailier de 34 ans va rebondir au HC Ajoie. «Kiki», qui n’entrait plus dans les plans de Gottéron et de son directeur sportif Gerd Zenhäusern malgré un contrat valable jusqu’en 2027, s’est engagé pour un an, et un an seulement, avec la lanterne rouge, sous forme de prêt. «C’est une demande de Killian et de son agent, qui ne veulent pas prendre le risque de se retrouver en Swiss League si Ajoie venait à connaître la relégation», précise Gerd Zenhäusern.
Techniquement, si rien ne bouge d’ici là, Killian Mottet redeviendra un Dragon le 1er mai prochain. Or, dans les faits, il paraît bien improbable qu’il soit réintégré au contingent pour la saison 2026/2027 – la dernière que comprend son bail à la BCF Arena. Ce qui ne veut pas dire que le Sarinois ne portera plus jamais le maillot de son club formateur. Car si l’arrangement signé lundi matin par Gerd Zenhäusern et son homologue jurassien Julien Vauclair ne comprend aucune possibilité de rapatriement pendant le championnat, une clause a été insérée pour permettre à Mottet de participer à la Coupe Spengler avec «ses» Dragons en décembre à Davos. «Rien n’est acté, c’est juste une possibilité», ajoute le Haut-Valaisan.
Pas sur le marché
Quoi qu’il en soit, une page se tourne pour l’attaquant. Le 9 septembre prochain, à Genève, il disputera son premier match de National League sous une autre bannière que celle de Gottéron. En cumulant 684 apparitions et 375 points depuis ses débuts dans l’élite en 2010, le No 71 s’est imposé comme le quatrième joueur le plus capé et le neuvième compteur de l’histoire du club. La chute en est d’autant plus spectaculaire pour celui qui avait signé un gros et beau contrat à l’été 2022 dans le sillage de ses deux saisons de grande classe (48 et 43 points). «Killian aspire à un rôle que nous ne pouvons plus lui offrir», rappelle Gerd Zenhäusern pour justifier son choix. «Garder un joueur avec un profil et un salaire comme le sien pour le cantonner à un rôle de 13e attaquant aurait été démesuré.»
Gottéron devra toutefois assumer une partie – plus ou moins la moitié – du revenu annuel de son ancien ailier, Ajoie n’ayant pas les moyens ni l’intérêt d’en prendre en charge la totalité. L’argent économisé avec ce prêt sera-t-il réinvesti directement dans un renfort helvétique? C’est la question que de nombreux supporters (inquiets) se posent. «Ce n’est pas le plan», indique le directeur sportif fribourgeois, qui ne ferme toutefois pas totalement la porte à une petite folie estivale. «Vous savez comment fonctionne le hockey suisse. Il se peut qu’un autre club cherche lui aussi à se séparer d’un de ses joueurs. S’il s’agit d’une superopportunité, de celle qui ne se présente que tous les trois ou quatre ans, on y réfléchira. Mais officiellement, nous ne sondons pas le marché. Car nous croyons au potentiel de nos jeunes et voulons leur offrir de l’espace pour se développer.»
«Réflexion globale»
Conscient qu’il réduit la profondeur de banc d’un contingent qui en a manqué ces dernières années, le successeur de Christian Dubé parle de «réflexion globale». «Le projet du club, son budget, la situation sportive de Killian: plusieurs éléments sont à considérer.» Et l’ancien chef de formation de concéder: «Se séparer d’un élément de ce standing comportera toujours un risque. Mais je suis convaincu que Biasca, Dorthe ou un autre de nos jeunes arrivera à endosser le rôle que Killian a pu avoir par le passé. Il faut faire preuve de courage et de patience.»
Avec huit attaquants sur seize nés en 2000 et plus (Biasca, Dorthe, Etter, Gerber, Hedlund, Nicolet, Rod et Schmid), Roger Rönnberg et ses assistants auront du boulot. Au nouvel entraîneur de prouver qu’il n’a pas été sélectionneur des M20 suédois de 2010 à 2013 par hasard.
Mottet entre tristesse et soulagement
Au HC Ajoie, on se frotte les mains. Le retour à Porrentruy de Killian Mottet, treize ans après une pige qui l’avait vu empiler, en deux temps, 75 points en 67 matches de ligue B, fait souffler un vent d’espoir sur le cancre de National League. Lequel espère avoir enfin mis la main sur le buteur suisse de premier plan qui lui fait défaut depuis sa promotion en 2021. Auteur d’une seule réussite lors de la saison écoulée, face à… Ajoie, et d’une deuxième en play-off, le Fribourgeois de 34 ans cherchera en premier lieu à retrouver la confiance égarée sous la houlette de Pat Emond et Lars Leuenberger.
Killian Mottet et Ajoie, qui espèrent se relancer mutuellement avec ce deuxième mariage, se retrouveront à la fin juillet seulement. «Les deux clubs, que je remercie, se sont mis d’accord pour que je puisse poursuivre l’entraînement d’été à Fribourg», détaille le principal intéressé, partagé entre la tristesse de quitter son club de cœur et le soulagement de voir son avenir clarifié. «Au moins, maintenant, je suis fixé. Ce n’était pas toujours évident d’apprendre via les réseaux sociaux ou les journaux où j’allais atterrir», souffle «Kiki» depuis Porrentruy, où il est allé en repérage ce mardi. «Je suis venu accompagné de ma femme et de mon fils pour trouver un appartement mais aussi pour rencontrer mes nouveaux coéquipiers.»
Dans le Jura, où il a laissé de très bons souvenirs, Killian Mottet aura le plaisir de côtoyer son pote Benji Conz, qui avait eu droit au même traitement de la part de Gottéron en 2017. Bien sûr déçu par la tournure des événements, le Sarinois ne s’en offusque pas. Il souhaite quitter Fribourg – pour y revenir l’été suivant? – en de bons termes. «C’est le business, c’est le sport. Je ne suis pas rancunier.»
Pierre Schouwey