La BCF Arena, qui affiche un taux de fréquentation de 100% lors des matches de Fribourg-Gottéron, a accueilli plus de 314’000 spectateurs la saison dernière.
Le club fribourgeois a annoncé, lors de son assemblée générale, 34 millions de francs de chiffre d’affaires et près de 880’000 francs de bénéfice net.
La BCF Arena accueillera, avec Zurich, le Championnat du monde 2026 de hockey sur glace. Les retombées positives en termes d’image seront nombreuses.
Depuis l’inauguration de la BCF Arena en 2020, Fribourg-Gottéron s’est hissé parmi les références économiques du hockey suisse. Longtemps perçu comme un club attachant, à l’image populaire, mais limité par ses structures et ses ressources, il s’est métamorphosé en une organisation ambitieuse et puissante sur le plan économique.
Cette transformation repose sur des piliers solides: une arène totalement modernisée qui a su conserver son cachet d’antan (Saint-Léonard), une diversification assumée des revenus, un réseau commercial exceptionnellement dense et une gouvernance resserrée.
Fribourg-Gottéron n’est plus un outsider: il se positionne comme une locomotive nationale, même si le titre de champion de Suisse continue de lui échapper en 88 années d’existence.
La BCF Arena au cœur du succès économique
Le pivot de cette mutation spectaculaire est la BCF Arena, entièrement rénovée en 2020. Avec ses 9262 places et un taux de remplissage de 100% pour une deuxième saison d’affilée, l’arène fribourgeoise a attiré plus de 314’000 spectateurs en 2024-2025, faisant du club l’un des plus suivis du pays.
Mais c’est surtout la vocation plurielle de cette infrastructure qui impressionne. Conçue comme un véritable actif économique, la patinoire dépasse son rôle traditionnel pour devenir un générateur de flux permanents.
«La première raison de notre succès économique, c’est très clairement notre patinoire. L’accueil et l’expérience spectateurs y sont uniques en Suisse», estime John Gobbi, CEO du club depuis 2021. L’attention portée aux détails, l’offre VIP, la restauration intégrée et la logistique événementielle y sont rigoureusement maîtrisées.
«Nous attachons beaucoup d’importance à maintenir la qualité de nos services tout en visant une exploitation maximale», insiste Gobbi. L’architecture singulière du site, héritée de la patinoire Saint-Léonard, est assumée comme un atout. «C’était un pari architectural courageux, mais c’est ce qui démarque notre patinoire et lui confère tout son charme», souligne Gobbi.
Et le développement ne s’arrête pas là: après deux extensions de la capacité la saison passée, Fribourg-Gottéron est déjà en réflexion pour une augmentation supplémentaire en plusieurs phases, avec un objectif à terme de 10’000 places, sans dévaloriser l’expérience par siège.
John Gobbi, PDG du HC Fribourg-Gottéron, gesticulant lors d’une conférence de presse à Fribourg, avril 2021.
L’ancien défenseur international John Gobbi est CEO de Fribourg-Gottéron depuis 2021.
Les chiffres présentés lors de l’assemblée générale du 2 juillet 2025 confirment cette dynamique: 34 millions de francs de chiffre d’affaires et près de 880’000 francs de bénéfice net. Pour la deuxième année d’affilée, les revenus générés par la restauration couvrent à eux seuls l’ensemble du mouvement junior. Mieux encore, le club s’est affranchi d’une dépendance directe aux résultats sportifs.
«Fribourg-Gottéron se trouve actuellement dans une excellente phase, avec notamment trois demi-finales des play-off en quatre ans et une victoire à la Coupe Spengler (2024), souligne Gobbi. Le sport reste le premier facteur de réussite. Par contre, nous en avons eu la preuve la saison passée, lorsque le début de saison a été très compliqué sur la glace: malgré les mauvais résultats, notre patinoire a continué à afficher complet. Sur le court terme, nous ne sommes pas dépendants des résultats sportifs, et c’est plutôt un bon signe.» Un véritable changement de paradigme dans un championnat où la fragilité financière reste souvent liée aux performances sur la glace.
Fribourg-Gottéron et sa stratégie de diversification
Autre levier clé: la construction d’un réseau commercial d’une rare densité. Avec près de 700 sponsors, Fribourg-Gottéron ratisse large et tisse des partenariats même au-delà de ses frontières cantonales. «Aucun autre club en Suisse ne compte autant de sponsors», affirmait Hubert Waeber, président du club depuis 2019, en décembre dernier.
Ce maillage réduit les risques liés à la perte d’un sponsor majeur et confère au club une autonomie financière peu commune. La gestion intégrée de l’ensemble des pôles d’activité – de la restauration aux loges en passant par le merchandising – renforce encore cette indépendance.
Vue large de la BCF Arena à Fribourg lors d’un match de hockey entre HC Fribourg-Gottéron et Lausanne HC, avec les joueurs en action sur la glace.
Les hockeyeurs de Fribourg-Gottéron remplissent la patinoire à chaque match. Fribourg-Gottéron veut diversifier sa stratégie et exploiter son arène pour d’autres événements.
Les offres VIP sont saturées, le merchandising génère un chiffre d’affaires confortable, et l’activité de restauration, gérée en interne, fonctionne en circuit court. L’arène n’est plus seulement un lieu sportif: elle s’est muée en véritable hub événementiel. «Nous développons des formats comme des séminaires d’entreprises, des workshops ou des événements publics hors hockey», détaille John Gobbi.
«Le spectacle de patinage artistique «Art on Ice», la fan zone de l’Euro 2024 ou encore la finale de la Supercoupe de unihockey sont quelques exemples marquants d’événements que nous avons accueillis cette année. Ce sont de grandes manifestations qui remplissent notre stade autrement qu’avec des matches de hockey.» La BCF Arena veut se positionner en tant que «temple du spectacle».
Inspirée des modèles nord-américains, cette stratégie multiusage permet de lisser les revenus et d’amortir les infrastructures sur une base élargie. Avec un budget consolidé de 35 millions de francs – 25 pour la SA, 10 pour les activités de restauration – Fribourg-Gottéron figure désormais dans le peloton de tête des clubs suisses.
À la pointe du hockey suisse
Ce socle financier solide permet au club d’élever ses ambitions sportives. Non seulement Fribourg-Gottéron peut conserver ses meilleurs éléments, mais il parvient aussi à rapatrier des joueurs de calibre international. Dernier symbole en date: les contrats de longue durée avec deux joueurs majeurs du championnat, des Fribourgeois formés au club.
L’attaquant Christoph Bertschy – contrat de sept ans en poche, d’une valeur totale de plusieurs millions de francs suisses – est revenu à Fribourg en 2022 après avoir passé les quatre saisons précédentes au Lausanne HC. Idem pour l’ex-défenseur du LHC Andrea Glauser, recruté en 2025 pour une durée et un pactole semblables à ceux de Bertschy.
Une démonstration de la capacité du club à sécuriser ses atouts à long terme – et à grands frais – avec une stratégie affirmée de valorisation du capital régional.
La BCF Arena au cœur du Mondial 2026
Ce développement s’accompagne d’une réorganisation de la gouvernance. Le conseil d’administration a été réduit à sept membres «pour plus d’agilité», selon un communiqué de Fribourg-Gottéron. Le Singinois Hubert Waeber, président depuis 2019 et fraîchement réélu, a toutefois annoncé son départ à la fin de la saison 2025-2026, avant de préciser que son successeur devra à son tour «avoir l’ADN de Fribourg-Gottéron».
Face aux concurrents romands notamment, cette avance est tangible. Le Lausanne HC, double finaliste des play-off, est porté par une base solide de spectateurs (95% de remplissage durant la dernière saison régulière) après deux saisons fastes sur le plan sportif et un équilibre retrouvé en coulisses, mais son développement économique à la Vaudoise aréna n’est pas encore totalement abouti.
Président Hubert Waeber de Fribourg avec le trophée du Spengler Cup, accompagné de la mascotte dragon sur la glace lors d’un match de hockey.
Le président de Fribourg-Gottéron, Hubert Waeber, présente la Coupe Spengler remportée en décembre 2024, le premier trophée de l’histoire du club fribourgeois.
Genève-Servette, malgré deux titres majeurs depuis 2023 (champion de Suisse et d’Europe), souffre d’un outil vieillissant avec sa patinoire des Vernets et reste pénalisé dans sa croissance. Pour ne rien arranger, le projet de nouvelle arène au Trèfle-Blanc continue de piétiner.
Un signal fort témoigne toutefois de la place conquise par Fribourg-Gottéron: plusieurs matches du Championnat du monde 2026 - initialement prévu à Lausanne en 2020, avant d’être annulé en raison de la pandémie de Covid - auront lieu à la BCF Arena.
L’attribution de l’édition 2026 - au détriment de Lausanne dans des circonstances brumeuses - valide la solidité du modèle fribourgeois et démontre que la BCF Arena répond aux standards internationaux élevés pour l’organisation d’un événement d’envergure. «Cette vitrine va assurément mettre en valeur la marque BCF Arena à travers le monde et stimuler nos activités de diversification, se réjouit Gobbi. En termes d’image, les retombées pour le club seront évidentes.»
Fribourg-Gottéron n’a pas révolutionné le hockey suisse. Mais il a méthodiquement bâti un modèle entrepreneurial cohérent, fondé sur l’exploitation et la diversification efficace de ses ressources autour d’un outil clé, sa patinoire. Un modèle pertinent, solide, et appelé à croître.
Cyrill Pasche