C’est le plus gros coup de Gerd Zenhäusern depuis qu’il est directeur sportif de Fribourg-Gottéron à part entière. Ludvig Johnson, 19 ans et mis sous contrat jusqu’en 2027, sera «l’une des attractions de la saison» selon les dires de Roger Rönnberg, dont les yeux s’illuminent quand le nom du jeune défenseur se glisse dans la conversation. «Il est terriblement intelligent sur la glace. C’est une excellente base pour avoir du succès. Mais il y a encore du travail, notamment en salle de force», tempère le coach des Dragons, prêt à accorder toute sa confiance au nouveau No 33 de la BCF Arena.
Mardi à Guin face à Grenoble (lire ci-dessous), dans la continuité des deux premiers matches de préparation, Ludvig Johnson a reçu beaucoup de temps de jeu à gauche de l’Américain Michael Kapla. Les chances de le retrouver dans le top 6 défensif à la reprise, le 9 septembre contre Lugano, sont élevées, et ce même si Patrik Nemeth, tombé malade après un pépin aux adducteurs, est remis sur pied à temps.
Gottéron le plus malin
La facilité de l’Helvético-Suédois saute aux yeux. Le patinage, la créativité, la technique, le sens de la projection: il coche toutes les cases du parfait défenseur offensif. Rien d’étonnant à cet attrait pour le but adverse. Jusqu’à ce qu’un entraîneur du mouvement juniors zougois décide de le reculer, Ludvig Johnson évoluait en attaque.
Téméraire et fantaisiste, le gaucher n’est pas sans rappeler à certains égards le Yannick Rathgeb de ses débuts. S’il aidera Gottéron à marquer des buts, il en coûtera aussi quelques-uns… «Je dois encore m’améliorer en phase défensive. En me développant davantage physiquement, je serai meilleur sur l’homme et pourrai mieux faire le ménage devant la cage», ambitionne celui qui mesure 180 cm et pèse 82 kg. Un gabarit moyen pour un joueur d’exception qui porte bien son prénom – le même que Beethoven.
A Zoug, où il est né et a été formé, on regrette déjà le départ de l’artiste en devenir. Le club de Suisse centrale, même si très bien fourni en défenseurs d’avenir, tenait à le conserver. Problème: Gottéron lui a coupé l’herbe sous les patins en signant Johnson avant même qu’il ne fasse son baptême du feu en National League. «Il figurait tout en haut de la liste des talents que nous suivions depuis quelques années. Des clubs comme Zurich et Zoug ne pouvant pas absorber tous les bons joueurs de leur académie, c’était notre chance», raconte Gerd Zenhäusern, qui a réservé à l’EVZ le même coup que Lausanne lui avait fait subir l’année passée avec Basile Sansonnens. Déjà convaincu d’avoir réalisé une excellente affaire, le directeur sportif fribourgeois n’a pu que se frotter les mains en voyant la montée en grade de sa recrue à la fin de l’automne. «Nous avons été surpris en très bien de son adaptation avec les adultes», acquiesce-t-il.
«Changer d’air»
Profitant d’une cascade de blessures en Suisse centrale, Ludvig Johnson a enchaîné 35 apparitions en première équipe à partir du 26 octobre 2024, pour un total de 4 buts et 7 assists. Plus prometteur encore: le pur produit du centre OYM de Cham a reçu 15 minutes de glace en moyenne de la part de Dan Tangnes, ce qui est énorme pour un arrière né en 2006.
A n’en pas douter, il aurait été bien plus compliqué de le débaucher si celui-ci avait commencé la saison dans l’élite. Aurait-il quitté la maison si le timing avait été différent? «Je ne sais pas», hausse les épaules l’intéressé, très heureux de son choix de carrière. «Je l’ai fait pour changer d’air. Et puis, c’est toujours bien de sortir de son confort et de son cocon.» Si Ludvig Johnson a dit «oui» à Gottéron l’automne passé, c’est aussi – et surtout? – pour Roger Rönnberg. «Il a joué un rôle, c’est clair. Il suffit de regarder le nombre de jeunes qu’il a réussi à développer à Frölunda. Il les pousse à devenir meilleurs.»
Après un mois de collaboration, le jeune international helvétique – il a fait une partie de la préparation du championnat du monde – est conquis. «Il a l’équipe sous contrôle, ce qui est très important. Roger nous pousse à dépasser nos limites.» Et le deuxième plus jeune joueur de l’effectif – derrière Alessio Guignard – de rigoler: «Je peux confirmer ce que les interviews très marrantes que j’avais vues de lui en suédois laissaient penser: il a une sacrée personnalité et de l’humour.»
Et après la NHL?
Arrivé «dans une équipe qui s’est bien trouvée» en provenance de la Bossard Arena que Raphael Diaz a retrouvée en sens inverse, Ludvig Johnson n’est pas complètement dépaysé pour autant. Fribourg, il connaissait un peu. «Mes parents se sont rencontrés dans cette ville! Ils sont venus ici depuis la Suède pour y étudier le droit. Mais maintenant, ils vivent à Zoug avec mes deux sœurs», dévoile-t-il, amusé par ce clin d’œil du destin. «Je n’ai évidemment pas signé à Gottéron pour cette raison, mais ça reste une histoire sympa à raconter.»
A l’image de ses parents, pas sûr qu’il ne s’éternise sur les bords de la Sarine. Choisi par Utah en 174e position lors de la draft du mois dernier, Ludvig Johnson a des vues sur la NHL et réciproquement. «J’ai participé au camp de développement de la franchise cet été, mais il n’a jamais été question de départ immédiat. Utah préfère que je me développe en Suisse. Il me reste bien des étapes à passer dans le hockey des adultes», souffle-t-il, lucide. La première: s’habituer à encaisser les coups. Celui de Damien Riat l’autre jour aurait pu laisser des traces. «Les jeunes doivent apprendre à se protéger. Lui aussi», conclut Roger Rönnberg, qui tient à sa pépite.
Pierre Schouwey