«Qu’aurait été ma vie sans Jeannot?»
«J’ai rencontré Jean Martinet, un jour à Moscou, c’était le 22 février 1990, et ma vie a changé»,
confie Slava Bykov. © Lib/Alain Wicht-A
«J’ai rencontré Jean Martinet, un jour à Moscou, c’était le 22 février 1990, et ma vie a changé. Je m’en souviens, parce qu’il n’y a pas beaucoup de rencontres qui modifient un destin. Nous ne nous comprenions pas, il y avait un traducteur entre nous, mais j’ai aimé sa posture, ses gestes, sa tonalité, son enthousiasme, son énergie, son charisme… Je pense que les hommes ont un sixième sens, qui les guide dans leur relation avec les autres. Jean Martinet m’a séduit, il m’a emballé, je lui ai tout de suite fait confiance, et je ne me suis pas trompé: il ne m’a jamais déçu au cours de toutes ces années qui ont suivi.
Avant Jean Martinet, ma vie était déjà bien remplie, elle était même exaltante, c’était celle d’un hockeyeur international, mais grâce à lui, j’ai pu découvrir un autre monde, j’ai pu commencer une autre aventure, qui dure toujours. Des fois, je me demande: qu’aurait été ma vie sans Jean Martinet?
En Russie, nous avons un proverbe: si quelqu’un t’ouvre la porte de son cœur, tu dois lui ouvrir les portes de ton cœur à double battant. J’ai choisi Jean Martinet pour être mon parrain et pour être celui de mon fils.
Quand nous sommes arrivés en Suisse et que nous nous sommes installés à Marly, il était tous les jours chez nous. Avec ma femme, nous nous sommes regardés et nous nous sommes demandé: «Est-ce qu’il va habiter avec nous?» Mais nous avons compris qu’il faisait tout son possible pour faciliter notre intégration. Pour lui, Gottéron était une famille et nous faisions désormais partie de la famille. Il nous a emmenés à Vuitebœuf, où il était né, pour que nous rencontrions ses frères et sœurs. En voiture ou en hélicoptère, il nous a conduits aux quatre coins de la Suisse, il nous a fait faire le tour du pays à vélo! Nous sommes partis en vacances ensemble. Aujourd’hui, je me souviens de nos rires.
Jean Martinet était l’homme des devises. Certaines sont devenues célèbres. Moi, j’ai gardé en tête quelques-unes des phrases qu’il répétait: «Qui ne risque rien n’a rien»; ou bien «Tun, nicht sagen» («Faire, pas dire»). J’ai appliqué certaines de ces devises lorsque j’étais entraîneur en Russie. On garde de Jean Martinet le souvenir d’un homme dynamique, qui privilégiait l’action, mais c’était aussi un meneur d’hommes très habile. Avec lui, j’ai beaucoup appris sur la manière de diriger un groupe, d’affronter les problèmes et de les résoudre.
Maintenant que Jean Martinet n’est plus là, il y a un peu moins de chaleur sur cette terre. Dans ma famille, nous sommes tous tristes, nous avons le sentiment d’avoir perdu un être irremplaçable, mais nous sommes heureux de l’avoir connu et d’avoir vécu un temps à ses côtés. Il continuera à vivre à la patinoire et partout où il faisait souffler sa passion. Une passion contagieuse, dont je n’ai jamais guéri.
Merci et adieu, cher Jeannot.»
Slava Bykov